Relativité et Univers-bloc ce que la physique évite d'assumer
Lorsqu’on fige, pendant plus d’un siècle, la manière même dont une question peut être posée, il n’est pas étonnant que les réponses obtenues restent enfermées dans le cadre initial. Cette répétition peut parfois relever d’une forme d’ipsedixitisme, c’est-à-dire de l’acceptation d’un énoncé uniquement parce qu’il émane d’une autorité reconnue, sans remise en question. Pourtant, il est parfaitement légitime — et même nécessaire — d’examiner un sujet sous un autre angle, afin d’en éprouver les limites.
Je pose donc les choses autrement, en trois étapes logiques :
1. Première question :
Est-ce que l’invariance de la vitesse de la lumière dans un aller simple implique la relativité de la simultanéité au niveau physique, et pas simplement en tant que convention de datation ?
→ Oui. Et cela devrait être reconnu comme une conséquence directe du postulat. Pourtant, sur ce point, un flou persiste : on parle bien de relativité de la simultanéité, mais on reste souvent au niveau des apparences ou des conventions de datation, sans jamais affirmer clairement que cela implique une relativité de l’existence même des événements.
Pourtant, c’est quelque chose de connu, puisqu’on parle couramment de la conception de l’univers-bloc, où passé, présent et futur coexistent dans une structure 4D.
Autrement dit, on admet l’idée, mais on refuse d’en tirer toutes les conséquences.
Or moi, je prends acte de cet aspect ontologique, et je pousse le raisonnement jusqu’au bout — ce que, curieusement, les physiciens ne font pas. Ils s’arrêtent à l’opératoire. C’est là une erreur.
2. Deuxième question :
Cette relativité de la simultanéité, lorsqu’on en tire toutes les conséquences — comme dans l’objection de la navette et du missile — n'entre-t-elle pas en contradiction logique avec elle-même, notamment en ce qui concerne l’existence ou la non-existence d’un événement en fonction d’un changement de référentiel ?
→ Oui. Car si un même fait — un missile lancé — peut être affirmé comme réel dans un référentiel et non encore réalisé dans un autre, alors on touche à une contradiction de l’être, pas simplement à une divergence de mesure.
3. Troisième question :
Est-ce que la réponse affirmative à ces deux premières questions conduit à remettre en cause l’invariance de la vitesse de la lumière dans un aller simple, au moins en tant qu’axiome universel applicable à toutes situations ?
→ Oui. Car une contradiction logique dans les conséquences d’un postulat remet en cause la validité du postulat lui-même.
Deux logiques incompatibles au cœur de la relativité
Pour affirmer que la lumière a parcouru la distance entre deux points A et B à la vitesse c, il faut pouvoir supposer que, à un instant donné, elle se trouvait à une certaine position entre A et B. Autrement dit, cela exige de pouvoir attribuer un temps commun à des points de l’espace séparés par un intervalle de genre espace — c’est-à-dire, selon la relativité, non reliés par une relation causale.
C’est à ce niveau que se révèle une tension interne à la relativité. Elle repose en effet sur deux logiques distinctes :
– une logique propre aux intervalles de genre temps et de genre lumière, où la causalité est préservée ;
– une autre applicable aux intervalles de genre espace, où aucun lien causal ne peut être établi.
La difficulté apparaît lorsqu’un changement de référentiel inertiel permet de transposer un ordre temporel, défini dans un cadre causal, vers une région de l’espace-temps où un tel cadre n’a plus de pertinence.
Prenons un exemple : très loin à l’arrière du train, à des centaines de milliards de kilomètres, un rayon lumineux est émis (événement 1). Pour les deux observateurs situés sur le quai de la gare, cet événement se produit alors qu’ils sont tous deux au repos dans le même référentiel inertiel.
Après cet instant, l’un des deux observateurs de la gare accélère, puis rejoint l’observateur du train, avant que — selon ce dernier — le rayon lumineux n’ait été émis.
L’observateur de la gare qui n’a pas bougé dira à celui qui a accéléré : « Le rayon lumineux a bien été émis lorsque tu étais encore dans le même référentiel inertiel que moi, avant ton accélération. D’ailleurs, je l’ai reçu à telle date. » Il s’agit là d’un intervalle de genre lumière. Et puisque les deux observateurs étaient alors dans le même référentiel inertiel, cette datation doit également être valable pour celui qui a ensuite changé de référentiel.
Mais l’observateur du train dira, quant à lui : « Lorsque tu m’as rejoint, le rayon lumineux n’avait pas encore été émis. Il ne l’a été que plus tard. D’ailleurs, nous l’avons tous deux reçu à telle date. » Là encore, il s’agit d’un intervalle de genre lumière. Et puisque, à ce moment-là, l’observateur ayant changé de référentiel est désormais dans le même référentiel que celui du train, cette datation doit également être valable pour lui.
Il en résulte une contradiction : deux datations différentes sont attribuées à un même événement, pour un même observateur, selon deux configurations distinctes. Dans les deux cas, la datation repose sur un intervalle de genre lumière — c’est-à-dire un intervalle dans lequel la causalité est censée être respectée. Si l’on admet que l’événement (l’émission du rayon lumineux) a bien eu lieu, alors un même observateur ne peut lui assigner deux dates différentes, toutes deux fondées sur une relation causale. Cette contradiction révèle une incohérence interne dès lors qu’on accorde une réalité physique aux événements, tout en maintenant la relativité de la simultanéité comme une propriété réelle du monde physique.
l’approche causale de la relativité est une convention dépendante du postulat d’invariance. Et si ce postulat mène à une contradiction logique (comme le révèle l’objection navette-missile), alors c’est tout l’édifice — qui devient discutable.
Conclusion :
Dans le paradigme dominant, on évite généralement de reformuler les questions sous un autre angle. La cohérence du système est préservée en traitant les contradictions apparentes comme des questions techniques ou conventionnelles. Les paradoxes liés à la relativité de la simultanéité sont ramenés à des problèmes de synchronisation d’horloges. Et surtout, on ne distingue pas toujours clairement s’il s’agit de l’invariance de la vitesse de la lumière dans un aller simple ou dans un aller-retour — ce flou empêche d’examiner les conséquences logiques qu’impliquerait une véritable invariance dans le cas de l’aller simple.
On peut comprendre une telle résistance. Mais ce n’est pas parce qu’un système a traversé le temps qu’il est à l’abri d’une incohérence. Encore faut-il, lorsqu’une faille apparaît, avoir le courage de la désigner et d’en explorer toutes les conséquences.
Convention ou réalité physique ? Il faut choisir
Si la discussion tourne en rond, c’est souvent parce qu’un point fondamental n’est pas clarifié dès le départ. Il est donc nécessaire de poser la question de manière simple et décisive :
La relativité de la simultanéité doit-elle être considérée comme une pure convention de synchronisation (d’ordre opératoire), ou bien comme une propriété physique réelle du monde ?
Si elle est de nature conventionnelle, alors un raisonnement fondé sur l’existence d’événements et sur leur datation à partir d’intervalles de genre lumière (où la causalité est censée être respectée) ne peut être invalidé par des remarques reposant sur cette convention. En effet, une convention ne saurait contredire une contradiction logique issue d’un raisonnement portant sur des événements réels.
Si, au contraire, la relativité de la simultanéité est tenue pour une propriété physique — autrement dit, si elle reflète une réalité de l’espace-temps — alors il faut en assumer toutes les conséquences logiques, y compris celles qui apparaissent dans le cadre de l’objection dite de la navette et du missile. Parmi elles, une contradiction marquante : un même observateur, après un changement de référentiel inertiel, peut attribuer deux datations différentes à un même événement, dans des configurations où la causalité est supposée préservée.
Il ne s’agit pas d’une question d’interprétation subjective, mais d’une alternative logique tranchée :
– soit la relativité de la simultanéité est conventionnelle,
– soit elle est physique, mais alors il faut accepter ce qu’elle implique, y compris ce qui dérange.
Il est donc indispensable que cette question soit posée clairement, et que sa réponse le soit tout autant.