Perspective
Voici deux sous-chapitres importants
dans questionnement
qui résume bien ma perspective:
Vers une théorie générale du monde physique fondée sur le mode d'action de son principe moteur
1. Une démarche née d’une réflexion philosophique
C’est d’abord par une réflexion de type philosophique, portant sur le mouvement, que cette approche a émergé. Plusieurs expériences de pensée ont permis de dégager un principe fondamental : tout mouvement réel implique un changement d’état du monde physique, dans un instant présent universel. Or, un changement d’état ne peut se produire sans cause actuelle. C’est cette nécessité logique d’une cause actuelle qui conduit à postuler l’existence d’un principe moteur du monde physique. Cette analyse, indépendante de toute construction mathématique, révèle que la structure de l’être et celle du mouvement ne peuvent être comprises sans une telle cause, agissant non mécaniquement, mais de manière immanente et par interrelation selon la détermination des éléments (en effet, du point de vue de l'exercice des forces, une cause mécanique ne peut être responsable de l'inertie d'un corps).
Cette conclusion philosophique entre cependant en contradiction radicale avec le cadre théorique de la relativité restreinte, qui repose sur la relativité de la simultanéité, et donc sur la négation de l’existence d’un instant présent universel. C’est en prenant acte de cette incompatibilité que l’objection de la navette et du missile a été formulée. Cette objection permet de montrer qu’une incohérence surgit dans le cadre de la relativité lorsque l’on suit rigoureusement ses propres postulats appliqués à des corps réels. Ainsi, une fois cette incohérence révélée, un basculement conceptuel devient possible et même nécessaire: celui qui consiste à repenser les fondements mêmes de la physique.
2. L’objection de la navette et du missile comme point de passage
L’objection de la navette et du missile n’est pas une critique périphérique : elle constitue un point de passage obligé pour accéder à une autre compréhension du monde physique. Cette expérience de pensée révèle que, dans le cadre de la relativité, l’affirmation de la simultanéité relative conduit à une contradiction lorsqu’on l’applique à des corps réels en interaction. En montrant que cette relativité de la simultanéité mène à des situations où un événement réalisé (comme un lancement de missile) devient non réalisé par simple changement de référentiel, l’objection met en lumière une faille logique du système.
Mais cette objection est aussi un levier stratégique : elle permet d’atteindre les scientifiques à l’intérieur même du cadre qu’ils considèrent comme valide. Ce faisant, elle ouvre la voie à une redéfinition des concepts fondamentaux : temps, espace, inertie, impulsion et masse. Et cette redéfinition repose sur une autre vision du monde, qui réintègre la causalité actuelle et un principe moteur réel, immanent, distinct de la matière quantifiée.
3. Une critique de l’opérationnalisme
Ce basculement implique une critique profonde de l’opérationnalisme, qui domine aujourd’hui la pensée scientifique. L’opérationnalisme ne reconnaît de validité aux concepts qu’à travers leur mise en œuvre expérimentale ou leur pouvoir de prédiction. Il s’en suit que les concepts initiaux de la physique (espace, temps, mouvement) sont vidés de leur portée ontologique, et réduits à des conventions de mesure ou de calcul.
Or, dans une vision réaliste du monde, une théorie ne peut se limiter à des abstractions opératoires. Il faut que ses concepts reflètent une structure réelle. Une vision du monde, si elle doit servir de fondement à une théorie générale du monde physique, doit intégrer la question de l’être et de la cause. Cela suppose de respecter les différents niveaux d’intelligibilité d’une théorie physique.
4. Les niveaux d’abstraction dans une théorie physique
Avant de définir les caractéristiques d’une telle vision du monde, il faut rappeler que toute théorie physique comprend plusieurs niveaux d’abstraction :
1. La vision du monde : souvent implicite, elle se traduit dans les concepts premiers de la théorie.
2. La formulation mathématique : elle donne un cadre formel pour modéliser les phénomènes.
3. La formulation opérationnelle : elle permet d’associer les concepts à des procédures de mesure et à des prédictions expérimentales.
Une théorie physique rigoureuse doit articuler ces trois niveaux sans les confondre. Mais dans la pratique contemporaine, la vision du monde tend à disparaître au profit de l’opérationnel, ce qui rend impossible toute réflexion sur les fondements ontologiques.
C’est ici qu’intervient le rôle indispensable des expériences de pensée. Une expérience de pensée permet de tester la cohérence interne d’une théorie en appliquant rigoureusement ses postulats dans des situations limites ou paradoxales. C’est ce que fait l’objection de la navette et du missile : elle montre que la relativité, lorsqu’on suit ses implications jusqu’au bout, se contredit. L’expérience de pensée devient ainsi un outil de passage entre l’analyse philosophique et la refondation scientifique.
À la lumière de cette articulation entre philosophie et physique, on peut alors proposer une définition épistémologique de la physique théorique :
"La physique théorique est l’approche de la cohérence dans la structure et le mouvement du monde physique, dans une connaissance des proportions quantitatives et selon un certain formalisme mathématique, afin de modéliser ce comportement dans des lois, pour pouvoir le prédire. Les concepts premiers d’une théorie doivent traduire cette cohérence, dans la structure et le mouvement, du monde physique."
5. Trois points de contact entre philosophie et science
Dans cette perspective, on peut distinguer trois grandes modalités de relation entre philosophie et science :
1. La question des fondements du savoir : chaque science, pour produire du sens, suppose une certaine conception de la réalité. Comprendre ce que chaque science atteint du réel exige une réflexion philosophique.
2. L’aspect critique : la philosophie peut jouer un rôle critique en révélant les incohérences ou les limitations internes des théories scientifiques. C’est le rôle joué ici par l’objection de la navette et du missile.
3. La rencontre pratique : lorsque la philosophie découvre des principes ayant à la fois une valeur ontologique et une efficacité explicative, elle peut éclairer, voire orienter, la formulation des concepts premiers de la science. Cette rencontre est essentielle pour toute tentative d’élaborer une théorie générale de l’univers.
6. Vers une conception relationnelle de l’espace-temps
La conséquence directe de cette démarche est l’abandon d’un espace-temps absolu ou géométrisé, tel que le conçoit la relativité, au profit d’une conception relationnelle de l’espace-temps. Dans cette conception, l’espace et le temps émergent des relations entre les corps. Le principe moteur agit alors non par force mécanique, mais par l’ajustement immanent des relations entre les éléments, selon une logique d’interrelation.
Un tel cadre permet de repenser la masse, l’inertie, la gravité, le temps, l’expansion cosmique, en intégrant à la fois une cohérence mathématique, une portée expérimentale, et une véritable intelligibilité ontologique. Il devient alors possible d’envisager une théorie générale du monde physique fondée sur le principe moteur, dans une véritable articulation entre physique et philosophie.
7. le rôle des expériences de pensée
Les expériences de pensée jouent un rôle crucial dans cette démarche. Elles permettent de faire le lien entre l’intuition philosophique, la cohérence logique des postulats, et les fondements formels de la physique. Ce n’est pas un hasard si la découverte du mode d’action du principe moteur est née, dans cette approche, de plusieurs expériences de pensée sur le mouvement. C’est en analysant ce que présuppose tout changement d’état — et donc tout mouvement — que l’on est conduit à reconnaître la nécessité d’une cause actuelle et d’un instant présent universel. Les expériences de pensée ne sont donc pas un simple outil pédagogique ou critique : elles sont au cœur de l’élaboration conceptuelle qui permet de dépasser le cadre opérationnel de la physique actuelle, et de proposer une théorie générale du monde fondée sur des principes ontologiquement enracinés.
L'objection de la navette et du missile : un raisonnement sans calcul
L’objection de la navette et du missile peut être formulée sans recours aux mathématiques ni aux diagrammes d’espace-temps. Il suffit d’enchaîner trois expériences de pensée rigoureuses qui mettent en évidence une contradiction interne dans le cadre de la relativité restreinte, lorsqu’on attribue une portée physique à la simultanéité.
1. Première expérience de pensée : simultanéité des émissions pour les deux observateurs
On considère deux observateurs : l’un est immobile dans une gare (le chef de gare), l’autre est passager d’un train en mouvement. Deux rayons lumineux sont émis, l’un depuis les voies situées à l’arrière du train, l’autre depuis les voies situées à l’avant, tous deux en direction du milieu de la gare.
Les deux observateurs se trouvent exactement à la même position au moment de l’arrivée des deux rayons lumineux.
C’est la variante introduite, sans doute par inadvertance, par Yann Le Roux. On suppose ici que les deux rayons lumineux ont été émis simultanément depuis les deux extrémités de la gare, donc dans le référentiel du quai. Ils parviennent alors en même temps au chef de gare et au passager du train, puisque ces deux observateurs sont alors face à face à l'instant d'arrivée des rayons lumineux.
Or, du point de vue du passager du train, les distances qui le séparaient des deux sources lumineuses au moment de l’émission n’étaient pas égales : il se dirigeait vers l’un des rayons et s’éloignait de l’autre. Par conséquent, si l’on suppose que la vitesse de la lumière est invariante dans son référentiel, alors les deux rayons, ayant parcouru des distances différentes, n’auraient pas dû lui parvenir en même temps.
→ On en déduit que la vitesse de la lumière ne peut pas être invariante dans un des deux référentiels au moins, si l’on considère que les émissions ont été simultanées pour les deux observateurs. Il faut donc admettre — si l’on maintient le postulat de l’invariance de la vitesse de la lumière — que la simultanéité des émissions est relative : ce qui est simultané dans un référentiel (celui de la gare) ne l’est pas dans un autre (celui du train).
2. Deuxième expérience de pensée : De la relativité de la simultanéité au principe de relativité de la simultanéité au niveau physique
Les deux observateurs sont à la même position au moment de l’émission pour le chef de gare des deux rayons lumineux. C’est la situation classiquement retenue dans l’expérience de pensée du train formulée par Einstein. Les deux rayons sont émis simultanément pour l’observateur de la gare, au moment précis où le centre du train passe devant lui.
Dans ce cas également, pour que l’observateur du train puisse maintenir l’invariance de la vitesse de la lumière, il doit considérer que les deux émissions ne sont pas simultanées dans son référentiel : l’émission avant a eu lieu avant le croisement, et l’émission arrière après. C’est là encore une conséquence directe de la relativité de la simultanéité, déduite du postulat d’invariance de la lumière.
- Au moment précis où les deux observateurs sont à la même position dans l’espace, un rayon lumineux (celui émis à l’arrière du train) est déjà considéré comme émis pour l’observateur de la gare, alors qu’il ne l’est pas encore pour l’observateur du train.
- Cela signifie que l’événement « émission du rayon lumineux à l’arrière » existe déjà dans le référentiel de la gare, mais n’existe pas encore dans celui du train, au même endroit et au même instant.
→ Cette expérience montre que la relativité de la simultanéité ne se limite pas à une différence de datation : elle implique une différence dans l’existence même des événements selon les référentiels. On passe ainsi, de manière implicite, à un principe de relativité de la simultanéité au niveau physique.
3. Troisième expérience de pensée : Contradiction logique — objection de la navette du missile
Reprenons maintenant cette implication dans un cas plus extrême. Supposons que l’observateur de la gare considère qu’un rayon lumineux (ou, par extension, un missile) a été émis. Nous sommes ici dans un intervalle de genre espace, il ne peut donc pas le voir effectivement, mais seulement considérer la possibilité de ce fait dans son référentiel.
- Cet observateur accélère ensuite, et adopte le référentiel de l’observateur du train (ou d’un autre référentiel en mouvement).
- Dans ce nouveau référentiel, à cause de la relativité de la simultanéité, l’émission du rayon lumineux (ou le lancement du missile) n’a pas encore eu lieu.
- On a donc le même observateur, qui considère d’abord qu’un événement a eu lieu (émission), puis, après changement de référentiel, que cet événement n’a pas encore eu lieu (si la distance avec l'événement en question, et l'accélération de l'observateur, sont proportionnellement suffisantes).
→ Cela mène à une contradiction logique sur l’existence d’un événement réalisé. Si l'on donne une portée physique aux plans de simultanéité, alors l’observateur se trouve à devoir considérer qu’un corps qui a existé n’a pas encore existé, simplement en changeant de référentiel. Ce raisonnement, qui ne repose sur aucun calcul, met en lumière une inconsistance logique de la relativité restreinte lorsqu’elle est appliquée à des corps réels en prenant en compte les lignes de simultanéité.
Conclusion
Ces trois expériences de pensée suffisent à établir l'objection de la navette et du missile sans aucun recours au calcul :
1. La simultanéité des émissions pour les deux observateurs est incompatible avec l’invariance de la lumière.
2. La relativité de la simultanéité implique implicitement une relativité de l’existence des événements.
3. Un simple changement de référentiel inertiel peut conduire un observateur à nier l’existence d’un événement qu’il considérait auparavant comme réalisé.
Ce raisonnement montre que le principe de relativité de la simultanéité au niveau physique, induit par l’invariance de la lumière, aboutit à une contradiction si on le pousse à ses conséquences logiques. Et c’est précisément cela que révèle l’objection de la navette et du missile.