Et il survolait les eaux, Vers une nouvelle vision de monde physique ?

 

Conclusion:

            Dans mon ouvrage précédent, Et si Einstein s’était trompé sur un point capital dans son analyse aboutissant à la relativité restreinte ?, et le début de celui-ci, il a été question de remettre en cause certaines conclusions qu’Einstein avait pu tirer de son expérience de pensée du train, et pouvant nous conduire à la conception du temps de la relativité restreinte. À partir du moment où l’on sort de la conception de l’Univers-bloc et que l’on admet qu’il existe forcément un instant présent pour l’Univers, l’approche de l’espace-temps et du mouvement va être complètement modifiée. On peut alors se demander sur quels concepts une théorie générale de l’Univers va pouvoir reposer. Je prétends que c’est en découvrant le mode d’action du principe moteur de l’Univers que l’on va pouvoir découvrir le postulat conceptuel le plus fondamental possible. En effet, on peut, à partir de là, bâtir une expérience de pensée afin d’approcher la cohérence dans la structure et le mouvement du monde physique de la manière la plus fondamentale possible.

 

            Dans la conception de Newton est établi un certain rapport entre la cinématique et la dynamique. La Lune, d’une part, présenterait un mouvement inertiel et, d’autre part, serait attirée par la Terre. Cela émancipe la physique de la conception d’Aristote, car le mouvement inertiel est considéré comme un mouvement ne nécessitant pas de cause actuelle. On n’aurait donc plus besoin de la cause efficiente par laquelle Aristote remontait au premier moteur immobile. Il était certes nécessaire pour la physique de s’émanciper de l’approche d’Aristote, car celle-ci conduisait à une approche mécanique des forces (1) et n’était pas compatible avec la notion d’inertie.

 

            L’approche d’Einstein prône un nouveau rapport entre la cinématique et la dynamique. En effet, la Lune ne serait pas attirée par la Terre, mais suivrait une géodésique de l’espace-temps. La gravitation dans cette conception des choses n’est plus une force, ce qui semble nous éloigner encore un peu plus de la nécessité d’une cause efficiente pour comprendre le mouvement. On remarque que la relativité générale adopte une approche en partie relationnelle de l’espace. Les corps, par leur masse, modifient la courbure de l’espace, bien que l’on n’explique pas exactement comment, et la courbure de l’espace est censée modifier la trajectoire des corps.

 

            La relativité générale n’est pas une approche complètement relationnelle de l’espace, pour deux raisons au moins. Tout d’abord, selon la relativité, il n’existe pas d’instant présent pour l’Univers. Or, pour avoir une conception complètement relationnelle de l’espace, il faut que les corps permettant à l’espace de s’étendre soient actuellement en relation, ce qui implique un instant présent pour l’Univers (2). Ensuite, dans une conception relationnelle de l’espace, mouvement et évolution de la configuration de l’espace vont de pair, ce qui revient à dire que tout mouvement doit être fonction de l’évolution de la relation actuelle existant entre les corps. En d’autres termes, tout mouvement, dans une conception complètement relationnelle de l’espace, implique une cause actuelle : l’évolution de la relation actuelle existant entre les corps. Ce qui implique une redéfinition du concept d’inertie dans son rapport à l’impulsion.

 

            Comme l’existence d’un instant présent pour l’Univers est certaine, nous devons évoluer dans notre conception de l’espace et du mouvement. Se pose alors la question importante de savoir s’il faut aller vers une conception complètement relationnelle de l’espace, et donc vers une conception complètement relationnelle du mouvement. On peut se demander si cette approche est conciliable avec ce qu’a découvert Einstein dans son expérience de pensée de l’ascenseur. Ainsi, dans les chapitres 10 et 11, je me suis interrogé sur le possible fondement du principe d’équivalence dans une approche complètement relationnelle de l’espace. On aura compris que, de mon point de vue, une approche complètement relationnelle de l’espace va impliquer un principe moteur agissant de manière immanente et par interrelation selon la détermination des éléments, car la relation entre les corps ne peut pas être mécanique dans tous les cas de figure. Cela serait en définitive la raison profonde pour laquelle il faut distinguer les corps et les champs.

 

            Dans mon approche figurent des aspects de l’approche de Newton, des aspects de l’approche d’Einstein et des aspects de l’approche causale d’Aristote. Selon moi, Aristote n’a pas compris quel était le mode d’action du principe moteur de l’Univers. De même, les approches de Newton et d’Einstein, comme d’ailleurs en général celle de la science moderne depuis l’apparition de la notion d’inertie, n’ont pas intégré que, même si aucune force ne s’exerce sur le corps en état d’inertie, ce n’est pas pour cette raison qu’il n’y a pas une cause actuelle de l’état de repos comme de mouvement. D’ailleurs, si l’on a besoin d’une cause actuelle pour l’état de mouvement, il faut aussi que cette cause actuelle soit responsable de l’état de repos. Et c’est seulement, dans une approche complètement relationnelle de l’espace, que l’on peut, à mon avis, rattacher ces deux points de vue. En effet, dans une approche complètement relationnelle de l’espace, l’état de repos comme de mouvement est dû à la relation actuelle que les corps entretiennent entre eux. Et cela n’est possible que si un principe moteur agit de manière immanente et par interrelation, car une cause mécanique ne peut pas être responsable de l'inertie d’un corps.

 

            Une fois le mode d’action du principe moteur de l’Univers identifié, et à partir du moment où l’on se place dans une conception complètement relationnelle de l’espace, je convie les physiciens à une expérience de pensée, en considérant le mode d’action du principe moteur de l’Univers comme un postulat conceptuel initial permettant d’approcher l’ensemble des phénomènes physiques. Il s’agit de découvrir, en élaborant progressivement une certaine vision de l’espace et du mouvement, les diverses conséquences de ce postulat sur la définition de certains concepts initiaux. C’est pour cette raison que, derrière l’analyse de ces cinq concepts (masse, espace, inertie, impulsion et temps), se cache une théorie générale de l’Univers.

 

 


Note 1: Pour Aristote, le premier moteur agit à travers un premier mobile, ce premier mobile étant responsable du mouvement de tous les autres corps. Cela conduit à une approche mécanique des forces, car ce premier mobile ne peut agir sur les autres corps que par une action par contact. D’ailleurs, si l’on découvre à un moment donné la nécessité d’une action non mécanique, cela supprime la nécessité d’un premier mobile.

Note 2: Pour deux raisons : il faut, pour que les corps puissent être en relation, que leur existence soit actuelle, ainsi que leurs relations, sinon l’espace n’existerait plus. À partir du moment où l’on admet l’existence de relations non mécaniques, si l’on définit l’espace de manière relationnelle, il faut accepter qu’il y ait un rapport des corps actuels à distance. Serait donc établi un rapport entre les corps instantanés à distance par le biais du principe moteur.