Mode d'action du principe moteur
de l'Univers
La science cherche à approcher la cohérence dans la structure et le mouvement du monde physique, dans une connaissance des proportions quantitatives, et selon un certain formalisme mathématique. Si l’on découvre en philosophie les principes à l’origine de cette cohérence dans la structure et le mouvement, une certaine rencontre pratique entre la philosophie et la physique peut devenir possible. La question étant de voir s’il existe des principes qui ont non seulement une valeur du point de vue de l’être et de la pure signification, mais aussi de l’efficience (analyse de la cause efficiente dans le devenir des corps physiques non vivants). (...)
Aristote avait déjà découvert la nécessité, pour le monde physique, d’un principe moteur, ce dernier devant agir, selon lui, au moyen d’un premier mobile (premier corps mis en mouvement directement par le premier moteur, et permettant la mise en mouvement des autres corps). J’aboutis à la même conclusion en ce qui concerne l’existence du principe moteur. En revanche (..) le mode d’action du principe moteur ne peut pas être celui qui a été envisagé par Aristote pour une question relative à l’exercice des causes. Une cause mécanique par contact, due à l’action d’un premier mobile, ne peut pas être responsable de tous les mouvements, et la matière quantifiée par elle-même ne peut agir que par contact. D’ailleurs, si un autre type de causalité est nécessaire, cela permet de dire qu’il faut poser un autre principe que la seule matière quantifiée.
Il faut aussi savoir que l’idée, pour le monde physique d’un principe moteur spirituel, est soutenue par saint Thomas d’Aquin (1), docteur de l’Église. Et si on admet, qu'il faut bien un principe moteur pour le monde physique distinct de la matière quantifiée, que ce principe ne peut pas agir au moyen d'un premier mobile, il ne reste, de mon point de vue, plus que l'action immanente et par interrelation. C'est pour cela que les philosophes et les théologiens, s'il n'y a pas une erreur d'appréciation de ma part, devraient analyser très sérieusement cette possibilité. Et en ce qui concerne la physique, je ne pense pas que l’on puisse réellement arriver à une théorie générale de l’univers sans retrouver, d’une manière ou d’une autre, cette idée de principe moteur (2).
Note 1 : Somme Théologique prima pars, question 2 article 3.
Note 2 : En effet, on peut retrouver dans une théorie physique différents niveaux conceptuels : la vision du monde, la formulation mathématique, l’aspect opérationnel. Et, en ce qui concerne la vision du monde, l’idée d'un principe moteur est de mon point de vue essentielle. Elle doit faire partie du postulat conceptuel permettant de définir les concepts initiaux traitant de la cohérence dans la structure et le mouvement. Bien sûr, on peut aussi arriver à définir les concepts initiaux sans avoir vu exactement à quel postulat conceptuel ils se rattachent, le postulat conceptuel faisant le lien entre la démarche philosophique et la démarche scientifique et permettant de parvenir à une théorie générale de l’univers. La formulation d'un système de pensée, à partir d'un postulat conceptuel, est une sortie de la méthode philosophique, mais cela permet la création d'un domaine intermédiaire entre la philosophie et la science. (…)
Postface « Et si Einstein s'était trompé sur un point capital dans son analyse aboutissant à la relativité restreinte »
Pour une présentation plus détaillée de ces idées, veuillez vous reporter à ma lettre ouverte à Lee Smolin (novembre 2019), incluse en annexe de mon livre Paradoxe de l’invariance de la vitesse de la lumière, où j’explique comment la découverte du principe moteur de l’univers m’a conduit à une conception relationnelle de l’espace-temps et du mouvement.
Philippe de Bellescize